Ma première rencontre avec toi remonte à un bon moment déjà. 10 ans, en fait. A l’époque passionné de skate, je dévorais les vidéos, inlassablement, toujours à l’affut d’un peu de skateboard à regarder. Et t’es arrivé sans crier gare, au beau milieu d’une vidéo. La part de Mark Baines dans la Waiting For The World, de Blueprint, sortie en 2000. Immédiatement, je saute jusqu’au générique de fin, dans l’attente d’une tracklist.
Elliott Smith? Connais pas. Album ? Figure 8. Titre : Happiness. Voyons ça. Je télécharge l’album : une première écoute, une seconde écoute, une dixième écoute. L’achat de l’intégrale sur eBay. Comme happé par toi. Comme hypnotisé. Sentiment de tristesse infinie dans tes morceaux intemporels, moment de tristesse infinie dans ma vie amoureuse. Identification immédiate. Noyade immédiate.
A part Happiness, t’as pas écrit grand chose de positif. Ca tombe bien, j’ai pas besoin de trucs positifs en ce moment. Mais je continue invariablement à arpenter ta discographie, plongé en apnée, allant jusqu’à récupérer des B-sides, des maquettes, des lives, des versions alternatives de tes morceaux déjà adoptés. Ton jeu de gratte, putain. Ta voix. Tes voix. Tes idées. Mon meilleur pote post-rupture.
Putain, Elliott, je t’ai vu, sur YouTube. En 1998, ton costard blanc trop grand, et toi trop petit, sur cette scène des Oscars où ton généralissime Miss Misery luttait en vain contre la toute-puissance de la BO de Titanic chantée par une Castafiore programmée pour le succès mainstream. Coulé. Mais c’était ton morceau, le meilleur. C’était juste pas le plus populaire.
Tes excès, l’héro, l’alcool, le crack, ces lives dans des bars miteux ou tu oublies jusqu’aux accords des morceaux que tu avais si brillamment crées. Ces reprises impromptues des Beatles. Ces chansons avortées en plein milieu juste parce que tu n’avais pas envie.
Cette envie de mourir, un jour de 2003.
T’aurais eu 45 ans aujourd’hui. Bon anniversaire Elliott.