Kanye West est-il un communicant d’exception ? La question mérite d’être posée. Entre deux joutes sur Twitter avec Wiz Khalifa, Yeesus prend le temps de peaufiner la saison 3 de sa collection Yeezy chez Adidas, change 140 fois le nom de son nouvel album, ( Y’a 1 semaine, l’album s’appelait encore Waves), y invite plus de guests qu’au Téléthon, remplit le Madison Square Garden pour présenter 3 chaussures, 2 t-shirts et 3 sons de The Life Of Pablo.
Niveau guests, c’est effectivement chargé : Frank Ocean, Rihanna, Kelly Price, Chris Brown ou encore Kendrick Lamar . Je vous fais gagner du temps : malgré leur pedigree plus ou moins intéressant, les 3 premiers guests ne sont que des choristes de luxe. Pour la morue des Barbades, c’est pas très grave, mais j’estime que Frank Ocean aurait mérité plus d’égards.
Et cet album, alors ? Des instrus dingues, comme bien souvent, mais venant de Kanye on a un certain niveau d’exigence. Niveau thématique, on retrouve (hormis la mégalo) pas mal de références religieuses/spirituelles, plus prononcées qu’à l’accoutumée. Les thèmes utilisés en général par Kanye ne sont pas nécessairement bien abordés, quand on y réfléchit. Là ou Kanye West brillait par ses discours émancipateurs, orientés vers les opprimés, Yeesus se contente de se caresser dans le sens du poil (je reste poli, je n’en pense pas moins). « Yeezys just jumped over Jumpman » (Facts) aborde son transfert de Nike à Adidas (Jumpman = le logo Air Jordan.), les interludes sont creux (je vous parle de celui sobrement intitulé « I Love Kanye » ?), et le feat avec Rihanna se révèle être un parpaing lancé à Taylor Swift (« I Made That Bitch Famous »), en plus d’être bien chargé en autotune & vocoder. Et au milieu de cette purée indigeste et prétentieuse, se dresse un morceau super bien foutu, et bien évidemment, quand un morceau est bien foutu en 2016, c’est avec Kendrick Lamar ( No More Parties In L.A.), même si Kanye fait le taf, à l’ancienne, serait-on tentés de dire.
Au final, la montagne Yeesus a accouché d’une souris nommée The Life Of Pablo (dont on imagine qu’elle fait référence à Pablo Picasso, qui est apparemment un des artistes préférés de West). Pour le coup, le métier de producteur a repris le dessus, et c’est un objet ultra marketé (à part cette immonde pochette bien évidemment), attendu par les masses sans trop savoir pourquoi, qui débarque ces jours.
Un album triste, aux antipodes de ce qu’aurait pu offrir Kanye West lorsqu’il était encore un artiste d’exception, anticonformiste, briseur de règles et briseur de codes. Puisse-t-il revenir et arrêter les conneries rapidement.