La musique ne se résume pas à des entités avec un public établi et des promotions sur de grands sites. Il faut aussi creuser pour trouver des petites pépites qui méritent tout autant notre attention que les grosses machines. L’occasion aussi de se poser une question : Quel est le super-pouvoir qui vous fait rêver ?
Depuis notre plus tendre enfance, nous n’arrêtons pas de nous questionner sur le super-héros et ce qui le rend si particulier par rapport à nous, simple humain. Le facteur récurrent est la présence de super-pouvoirs, Batman et Iron Man étant des exceptions puisque leur argent leur a permis d’accéder au statut de héros. Mutation arachnéenne, puissance décuplée, invincibilité, extensibilité du corps, tout y passe. L’imagination des créateurs de ce genre de personne ne recule devant rien pour nous permettre de voyager et d’imaginer des aventures fantastiques.
Une question qui revient souvent, à tout âge, concerne notre super-pouvoir préféré. Maîtriser les éléments ? Voler ? Courir vite ? Les réponses sont multiples et chaque choix possède ses pour et ses contre. Dans la majorité des cas, on consent à n’imaginer ces facteurs que du point de vue positif. Mais il est évidemment possible de voir la pièce côté face, notamment sur le point de vue de l’immortalité.
Ne pas pouvoir mourir est quelque chose qui fait fantasmer les Humains depuis des millions d’années. Si on pourrait supposer son arrivée avec les Hommes de Cro-Magnon, c’est avec les Pharaons d’Egypte que le premier vrai exemple voit le jour. La mort n’étant qu’une étape de la vie, qui continue après l’embaumement et la mise en tombeau des souverains. Mais au fil du temps, ce concept apparaîtra dans de diverses cultures et religions.
Avec l’avancée technologique que notre temps connaît, l’immortalité se veut physique : il s’agit de garder nos capacités cognitives, psychiques et motrices le plus longtemps possible avec de nouvelles techniques. On cherche à repousser les effets du temps et la mort elle-même. De la simple injection de botox aux médecines régénératives, le sujet n’est pas prêt de s’épuiser. De quoi faire frissonner les auteurs de Science-Fiction s’étant penchés sur le sujet au cours de l’Histoire.
Il faut dire qu’être immortel règle la question de la mort. Et traditionnellement, on s’imagine mourir puis revivre pour pouvoir faire une quantité d’évènements sans avoir à subir de conséquences. Sauf qu’on ne parle que trop rarement du futur et de ce que l’on deviendrait dans un monde où nos proches sont disparus et où on voit des catastrophes ravager notre planète. Voici le postulat de base de Curve.Axis.Symmetry, deuxième album du trio Lunear.
Paul J.No (Chant/Claviers) & Sebastien Bournier (Chant/Batterie) sont à la base du projet, les deux se connaissant depuis une vingtaine d’années. Jean Philippe Benadjer (Guitare/Basse/Chant) les a rejoint pour finaliser leur premier album : Many Miles Away. On retrouve donc ces trois mêmes personnes pour son successeur, venu rapidement après un souhait de Paul d’enchaîner des sorties.
On est au devant d’un album concept qui va donc étayer sur toute sa longueur le voyage d’un personnage volontairement non identifié. Son prénom sera bien dévoilé, mais sous la forme d’un easter egg qu’on vous laissera trouver. Notre héros va donc passer de la surprise de sa résurrection à la joie d’être immortel, à la longue descente aux enfers en voyant tous ceux autour de lui partir définitivement. On pourra même assister à la fin de notre planète et au voyage du protagoniste dans l’espace.
Musicalement, on se retrouve sur une odyssée mélangeant plusieurs univers bien distincts : le rock progressif et la pop. Cette dualité surnage sur presque tous les titres. D’un coté, on pourra noter quelques ambiances Dream Theater sur quelques titres ainsi qu’un petit hommage à Yes sur l’intro de « Earth’s Population : 1 ». De l’autre, on pourra reconnaître une patte Muse, Prince ou même Ghost avec le synthé arrivant sur la fin de « Same Player, Shoot Again ». On pourra aussi souligner le morceau « Adrift », sorte de mélange entre Radiohead & David Bowie.
La musique est en constante évolution mais les nouveautés se font souvent par le biais d’influences. Il n’est donc pas étonnant de voir Prince se mêler au Prog quand on connaît les écoutes des membres du trio. On peut aussi y voir un parallèle avec la thématique de l’immortalité présente sur l’album. Des sonorités et idées existantes depuis près de 50 ans continuent à trouver un terreau fertile en 2020 par le biais de passionnés. De quoi imaginer une vie infinie à certains genres.
Le mélange des univers est malheureusement mon seul reproche que j’ai à faire sur les compositions. « The Rise And Fall Of Earth » dénote trop de l’ambiance globale du disque avec sa batterie électronique nous faisant penser à des chutes de Simulation Theory de Muse. Et ça me gâche un peu le voyage entrepris avec le personnage central. Je pourrais aussi être tatillon sur le chant, mais comme pour Elder, la petit gêne de la première écoute disparaît avec le temps.
Pour le reste, l’album a beau être totalement artisanal, il n’est pas dénué de très beaux moments. Le jeu de guitare est à chaque fois très juste et nous gratifie de quelques solos bien sentis, comme sur « From Its Sky »
Pendant qu’on parle de ce titre, il fait écho à plusieurs choses de l’album. Tout d’abord, il reprend la structure mélodique de « Nothing Left To Do » en remplaçant la mélancolie et la solitude de cette dernière par un désespoir assez flagrant. De plus, la fin comporte la reprise des thèmes de quelques morceaux apparus auparavant, dont celui de « Same Player, Shoot Again ». Enfin, il donne un autre sens à la formule mathématique d’introduction entendue dans « Lemniscate » :
x squared
plus
y squared
all squared
equals
2 times
a squared
times
parenthesis
x squared
minus
y squared
close parenthesis
Pour les gens qui, comme moi, auraient des lacunes en maths, sachez que vous avez devant les yeux l’équation implicite du… Lemniscate, forme mathématique représentée par une courbe plane en forme de 8 allongé. Ce qui se rapproche du signe infini que l’on connaît.
Je suis en revanche obligé de m’arrêter sur la fin du disque qui, selon moi, est une petite erreur. L’avant-dernier titre est « Forever » et parle de la vie du héros. Il ne sait même plus son âge, se rappelle à peine de son nom. Il nous récapitule son voyage, ses actions et sa fatigue d’au final errer sans aucun autre but que de voir tout autour de lui passer et trépasser.
Le titre se voit doté d’une montée en puissance avec les dernières paroles qui sont celles-ci :
I’ll just have to wait
To start…
Again…
Somehow
Somewhere else
On another Earth
On another land
S’en suit un passage instrumental excellent avec un retour de la voix du début du disque nous rappelant le titre de ce dernier puis une ligne de morse accompagnée d’un synthé pesant… coupé par la dernière piste qui est une reprise de « First Death », deuxième chanson de l’album, en acoustique et raccourcie.
L’idée est sûrement d’appuyer sur la notion d’infini et de boucle dans laquelle le personnage est bloqué. Mais cela me frustre. J’aurais trouvé ça bien plus fort de terminer l’album sur « Forever » et son outro emplie de questions. Qu’est-ce que ce code morse ? D’où vient-il ? Notre protagoniste est-il repéré par les habitants d’une autre planète ? A-t-il trouvé sa nouvelle maison ?
Cette fin nous gâche-t-elle l’expérience globale ? Absolument pas. Curve.Axis.Symmetry est un très bel album de rock au sens large du terme. Faire un album concept n’est jamais tache aisée et Lunear y parvient de fort belle manière. Ce qui vous montre que même à distance, on peut réaliser de grandes choses, du moment qu’on s’y donne les moyens.