La rentrée 2020 fut placée sous le signe de l’arrivage massif d’albums. Parmi la multitude de choix, mes oreilles se sont posées sur un collectif Berlinois désireux de boucler un dyptique engagé en 2018. Après un temps d’intériorisation et de réflexion, retour sur la suite de Phanerozoic premier du nom : Mesozoic | Cenozoic.
Il y a maintenant deux années, les berlinois de The Ocean faisaient leur retour après cinq ans de silence discographique avec leur septième album studio : Phanerozoic I : Palaeozoic. Le concept de cette première partie est de nous emmener au Phanérozoïque, période durant laquelle la vie a commencé à apparaître sur terre. Ce chapitre du diptyque traite plus précisément de l’ère du Paléozoïque, première des trois grandes périodes du Phanérozoïque.
Vous l’aurez donc compris, son successeur nous emmène dans les deux dernières subdivisons de la période concernée : les âges du Mésozoïque et du Cénozoïque.
Musicalement, The Ocean est dans la continuité de son précédent manifeste. Les ambiances sont mises en avant, limitant alors le nombre de passages très intenses. Le morceau d’ouverture, « Triassic », en est un bon exemple. Les premières notes de guitares, emplies de distorsion mettent trois minutes à arriver avec le chant de Loïc Rossetti, qui nous sert encore sur cet opus une performance absolument épatante, tout en retenu et en efficacité.
Le Suisse s’illustre aussi bien à travers son registre clair qu’hurlé, ce qui offre un relief de climats et de sonorités que le collectif se fait une joie d’exploiter comme il se doit. Sa prestation se révèle le plus souvent dans un style calme collant plus aux atmosphères mises en place tout au long de l’album malgré un chant saturé d’une qualité irréprochable tout du long du disque.
La meilleure illustration des talents du groupe selon moi se fait sur le premier single de l’album : « Jurassic | Cretaceous ».
Une pièce de 13:24 minutes, soit la plus longue de l’album, exprimant à merveille tout l’immense potentiel déjà connu des fans du groupe. L’occasion de s’arrêter sur la performance de Paul Seidel, batteur formidable du collectif Berlinois.
Tantôt mesuré et carré puis tantôt démonstratif et versatile, son jeu apporte énormément au morceau qui est signé d’une énième collaboration avec le chanteur de Katatonia : Jonas Renkse. A travers ce chef d’œuvre de métal progressif, on y perçoit une influence principale très présente : celle de Tool. C’est d’ailleurs ce dernier en particulier qui avait suscité chez moi une hype assez forte avant la sortie de ce second volet.
La première moitié du disque, malgré des parties ambiantes est chargée de chant saturé, d’une grande tension. Les guitares, à la fois soignées tant au niveau de leur son qu’au niveau du mix, les mettant en arrière contribuent énormément à cette tension.
La seconde moitié de Phanerozoic II se retrouve beaucoup plus clean dans ses sonorités et bien plus calme et atmosphérique, incluant des influences provenant de la musique électronique durant tout son long.
A travers ce nouvel opus, The Ocean nous avait promis une œuvre plus expérimentale, encline à l’innovation stylistique, et il faut avouer que c’est le cas.
Cette évolution dans la formule du quintette berlinois était à mon avis nécessaire bien que naturelle pour le bon fonctionnement du récit de ce double album.
Retraçant un processus lent de plusieurs millions d’années, les pistes longues et les autres, certes moins amples mais plus éthers collent parfaitement avec sa trame narrative.
Même si la moitié des morceaux de l’album ne dépassent pas les cinq minutes, les influences progressives se font fortement ressentir tout au long de ce dernier.
Les deux premières étapes, à savoir « Triassic » qui fait le lien direct avec « The Great Dying », qui clôture Phanerozoic I et « Jurassic | Cretaceous » sont eux les deux plus longs du disque. Cumulant 8:31 et 13:24 minutes et une belle illustration de l’influence progressive sur la musique du collectif.
Phanerozoic II souffre cependant d’un principal problème récurrent chez beaucoup de groupes : le choix des singles. En effet, ces derniers sélectionnés afin d’assurer sa promotion ne sont pas des plus cohérents.
Une pièce comme « Jurassic | Cretaceous » est selon moi l’illustration même de ce défaut, tant il est dommage de déjà connaître l’oeuvre lors de la première écoute et ne pas se le prendre en pleine face. Mais dans un sens, ces assortiments sont compréhensibles. L’album, dans sa seconde moitié est majoritairement composé de morceaux à ambiance. Ces derniers un peu plus sublimés par les subtiles et magnifiques parties de violoncelle magnifiquement exécutés par Dali Cellai, déjà à l’œuvre sur Phanerozoic I. Cela est donc assez évident qu’ils ne seraient pas efficaces dans une fonction de promotion, tant le contexte de l’album est important pour les apprécier et les comprendre. Cette tendance de privilégier le calme et l’atmosphère des étapes de ce deuxième chapitre vient certainement d’une volonté du quintette de correspondre d’avantage à son récit. Décrivant deux actes du Phanérozoïque, il est probable que l’une d’elles soit plus calme et lente que l’autre. Donc plus encline au développement mélodieux lent et progressif du collectif.
En faisant muter comme ceci sa musique, The Ocean empreinte un chemin ambitieux. A la frontière entre le Post-Métal et le Métal Progressif, développant petit à petit son propre son et son propre style.
Cette seconde moitié de Phanerozoic en est le manifeste le plus abouti à ce jour, tant la formule paraît élaborée et maîtrisée.
Le groupe tend de plus en plus vers l’expérimentation, la recherche de nouvelles ambiances et de nouvelles sonorités qui dans ce cas, collent à merveille avec la narration établie tout au long de l’album.
C’est d’ailleurs le facteur qui est susceptible de susciter de la déception chez les habitués, même si il ne nous laisse en aucun cas en terrain inconnu.
Avec ce nouvel opus discographique, qui complète son prédécesseur, le collectif se montre sous un très beau jour. Son évolution stylistique se fait sans accroc et sans faux-pas tant Phanerozoic II : Mesozoic | Cenozoic est réussi. D’autant plus que sa forme musicale mais aussi narrative est plus complexe, traitant deux périodes du Phanérozoïque au sein du même disque.
Pour les non-initiés au groupe, le diptyque Phanerozoic est une pièce idéale pour rentrer dans l’univers du groupe, même si elle se démarque plus du reste de sa discographie. La bande à Robin Staps sait dans quelle direction elle se dirige en nous proposant une oeuvre à la fois familière et nouvelle, parfaitement maîtrisée et dans laquelle il est très plaisant et intriguant de se plonger plusieurs fois. Malgré une durée pouvant paraître comme légèrement décevante pour un album estampillé Prog, le pari est très réussi. L’évolution stylistique du groupe se fait sans accroc, après un premier pas sur ce chemin déjà réussi haut les mains avec le premier Phanerozoic. Ce deuxième opus se revendique tout aussi audacieux que son prédécesseur en reprenant le cahier des charges de l’album concept, cher au groupe. Avec ce nouvel opus, The Ocean nous offre un nouvel album de grande qualité qui sera à coup sûr, un candidat sérieux dans le top de fin d’année.