Un an et demi, c’est le temps qu’il aura fallu aux suédois de Cult of Luna afin de composer l’annexe de son dernier disque : A Dawn to Fear. Profitant alors de la malheureuse situation sanitaire et de l’annulation de toute tournée pour s’y atteler. Nous permettant alors, au début du mois de février de cette année de profiter de leur nouvel EP : The Raging River.
La formation originaire d’Umeå a déjà été le sujet d’un papier au cours de ces dernières semaines sur Granny Smith. Leur précédent travail discographique : A Dawn to Fear paru en 2019 a constitué un brillant succès commercial et critique dont vous pouvez la chronique juste ici. Mais depuis le début de l’année 2020, les occasions pour tourner comme le groupe en a l’habitude demeurent inexistantes en raison du contexte sanitaire mondial actuel. Mais cette période de blanc n’a pas constitué un temps d’arrêt créatif, loin de là.
Durant ces nombreuses semaines d’isolation, Cult of Luna a démarré la gestation et l’élaboration d’une nouvelle pièce musicale. En vérité, The Raging River ne se trouve pas être une pièce unique et isolée. Elle constitue une passerelle vers A Dawn to Fear, comme si elle était son prolongement direct. A vrai dire, elle clôture même une bonne fois pour toute cette précédente œuvre longue de 1h20 minutes. Cette manœuvre avait déjà été choisie lors de la sortie de l’EP Vertikal II, direct prolongement de Vertikal premier du nom.
La démarche peut sembler singulière, mais colle parfaitement avec le tempérament du collectif. Lui qui a l’habitude de s’éloigner de toute norme pour s’enfoncer dans la marge des artistes étant totalement libres artistiquement parlant. Cette émancipation a d’ailleurs pris un nouveau tournant avec la création du label du groupe Red Creek sur lequel est sorti ce nouveau projet. L’excentricité du sextet se manifeste également par la durée de ses sorties. Alors que la durée d’un EP tourne de manière générale autour du quart d’heure voire dépassant les vingt minutes, Cult of Luna propose ici une œuvre avoisinant les quarante minutes.
La création de ce collectif permettant un plus grand épanouissement ne constitue pas le seul changement perpétré par le sextet. La méthode de travail adoptée par le groupe a aussi considérablement changée. Avec ce nouveau chemin de composition, Cult of Luna laisse plus ample place à l’improvisation, lui apportant un côté organique bien plus présent et prononcé qu’auparavant. Cela s’accompagne de morceaux plus longs, plus progressifs et nuancés.
Et cet EP en est une nouvelle preuve. The Raging River s’ouvre sur son single : “Three Bridges”. Ce dernier démarre sur des notes de guitares emplies de réverbération très typique du style de Cult of Luna. On y sent l’ambiance propre au groupe, celle qui fait tout son charme et sa particularité. Le chant de Johannes Persson se fait toujours aussi percutant et profond accompagné par la batterie de Thomas Edlund ainsi que les percussions de Magnus Lindberg au ton martial et droit.
Bien évidemment, le sextet suédois se base comme à l’accoutumée sur l’une de ses plus grandes forces : la création d’atmosphères. La production épaule cette ambiance de manière magistrale, signée par le percussionniste du groupe, très soignée et venant apporter beaucoup de nuance. Le clavier de Kristian Karlsson joue également un rôle très important. Mélodiquement parlant, il vient orner des arrangements déjà très riches et denses. Venant tempérer la lourdeur accentuée par une section rythmique toujours très brutale et efficiente.
Une pause vient s’effectuer sur le troisième morceau du disque : “Inside of a Dream” interprété en collaboration avec Mark Lanegan, notamment passé dans les rangs de Queen of The Stone Age. Très calme et tout en retenu, ce titre est un véritable pivot permettant au collectif d’Umeå de repartir de plus belle sur la piste suivante : “I Remember”. Cette dernière marque le contraste présent avec celle qui la précède en venant refermer sèchement la brèche de lumière aperçue juste avant.
La clôture de The Raging River vient se faire de manière absolument magistrale avec l’élancé et lancinant “Wave After Wave”. Véritable massue de douze minutes de long aux sonorités Doom très marquées, ce titre vient finir le disque en hypnotisant l’auditeur avec ses boucles percussives envoûtantes et ses nappes de guitares ambiantes. Froid et dévorant, ce morceau vient frapper là où ça fait mal, afin d’encore un peu plus vous ensevelir dans le chaos.
Encore une fois, Cult of Luna nous offre ici une œuvre torturée, sombre et obscure. L’opacité ardente dégagée par ce disque contraste comme usuellement avec l’évidente noirceur et la mélancolie omniprésente, classique chez les géniteurs de Red Creek. Avec The Raging River le sextet suédois prouve une nouvelle fois la validité de sa réputation de chef de file du Post Metal. Ce nouvel EP est une œuvre extrêmement prenante, puissante et en osmose totale avec A Dawn to Fear, lui apportant une conclusion de haut vol et digne de ce nom.