Nous y sommes. Nous voilà arrivés au moment de l’année pendant lequel l’obscurité et la nuit retrouvent leur règne. Nombre de mélomanes profitent de cette période pour se plonger dans des univers sonores plus sombres et lourds. Ceci étant dans le but d’offrir une certaine bande-son à ces instants de pénombre. Tous les ans, nombreux sont les projets de ce genre sortant à ces dates précises, l’exemple parfait étant Cult of Luna, devenu maître en la matière. C’est le 28 octobre qu’un jeune projet parisien a décidé de rendre public son tout premier album studio. Avec Boîte Noire, Brusque a décidé de faire de ce début d’automne 2022 son terrain de jeu.
Brusque est une formation comportant deux membres en son sein. Le premier étant Jefferson Grégoire, prenant les rôles de chanteur, guitariste et bassiste. La seconde moitié du duo étant constituée de Clément Duboscq, derrière les fûts. À travers une musique tortueuse, mais aussi très frontale et brutale, les deux français dépeignent une ambiance et une atmosphère pesante. Né pendant le premier confinement à Paris, Boîte Noire dépeint le quotidien de beaucoup de gens pendant cette période d’isolation. Des pensées sombres, comprenant une certaine incertitude concernant l’avenir, piégées dans un espace mental restreint. Dans un sens, on peut dire que la mission que ce sont donné les deux musiciens demeure dans la volonté de retranscrire sur album le sentiment de frustration pure.
La musique du duo est une catharsis, une manière très violente d’exprimer des sentiments forts et profonds. Avec l’aide de Francis Caste, l’homme derrière le son de Regarde les Hommes Tomber ou encore Hangman’s Chair, Brusque dépeint un monde noir, rempli de colère et brisé. Clément Duboscq, au propos de ce facteur de défoulement, s’est avoué « totalement épuisé durant les derniers jours des prises studio ». Ce premier album est une œuvre dure, aux propos et thèmes difficiles. Il y réside une sorte d’atmosphère inquiétante, comme si quelque chose, quelque soit sa nature, nous suivait. La pochette du projet, réalisée par Vilain et Guillaume Villot, représente d’ailleurs parfaitement cela. Une ambiance très sombre, au ton quelque peu cryptique, mais créant une certaine appréhension. Ces deux liant participant dès lors à fonder une aura malsaine, un sentiment de mal à l’aise ambiant dans la musique du duo.
En mélangeant des sonorités tirées du Post Black, du Sludge ou encore du Post Hardcore, les deux parisiens mettent l’emphase sur la lourdeur, sur l’aspect pesant du projet. Ces moments étant entrecoupés de séquences plus légères, souvent portées par une guitare clean, renforçant alors l’effet des envolées saturées. On peut illustrer cette tendance avec le morceau introducteur, Most Don’t Break Free. Avec son introduction calme, le choc est impactant lorsque la batterie et les guitares surchargées entrent en jeu. Ce genre de passages transitionnels vont prendre place plusieurs fois au sein de l’album. Ils vont alors certes maximiser l’effet de lourdeur, mais aussi permettre de créer des pauses. De telles relâches permettent d’ajouter une certaine lisibilité à Boîte Noire, ne nous noyant pas sous une vague indigeste de lourdeur.
Le pinacle de ce même travail d’équilibriste réside dans le final du disque : My Own Vision. Le morceau tiroir de plus de huit minutes offre une conclusion tout en maîtrise, finissant alors le voyage sur une très bonne note. Un autre exemple demeure dans le titre On The Edge, se basant sur un build-up très progressif aboutissant sur un dénouement étonnement léger, laissant ensuite place au son plus lourd du groupe. On note également un certain accent mis sur la dynamique de jeu. L’illustration de ce fait étant la piste Careless. Très brutale et frontale dans son approche, cette dernière propose tout de même une idée avec beaucoup de groove. On a ici une vraie idée d’intensité, mais mise sous une certaine forme. Le tout étant d’établir une pièce violente, mais structurée de manière réfléchie, la rendant dès lors plus efficace.
En une demi-heure, Brusque arrive à nous proposer avec Boîte Noire une œuvre tortueuse et torturée au demeurant très efficace. Avec beaucoup de talent et de brio, les deux protagonistes du projet donnent vie, en musique, à une réelle nécessité d’extériorisation. Cette-ci provenant du contexte d’un monde dans lequel l’avenir paraît incertain, dans lequel le quotidien est sombre et la brutalité prend place. Le duo propose avec ce premier album des compositions intelligentes, sachant adopter le bon rythme et les bonnes dynamiques aux moments opportuns. Conçu comme un cri de désespoir, Jefferson Grégoire et Clément Duboscq nous offrent ici de quoi rendre nos soirées hivernales plus sombre et déchirante.