Avez-vous déjà ressenti un effet cathartique puissant et très impactant provenant d’une œuvre, d’une nature musicale ou encore cinématographique ? Que ce soit la tristesse, l’intimité, la noirceur ou encore la violence peuvent paraître comme révélant parfaitement l’état d’esprit d’un moment précis. L’album sujet de cette chronique, en est le parfait exemple.
Cult of Luna est un groupe incontournable dans le monde très vaste du Post Metal. Cela fait maintenant plus de vingt ans que cette formation originaire de Umeå en Suède perdure. En septembre 2019, le sextet, comme pour célébrer ses vingt bougies d’activités, a sorti son septième effort studio : A Dawn to Fear. Son intitulé est très évocateur, il faut s’attendre à quelque chose loin de toute forme de gaieté.
Ce disque nous emmène dans un monde où l’espoir n’est plus qu’un lointain et envieux souvenir. A vrai dire, d’un point de vue personnel, la découverte de cette pièce a eu lieu lors du premier confinement vécu lors du printemps dernier. Constituant d’office une bande son de ces périodes d’isolement répétées durant l’année 2020. Le voilà, ce fameux effet cathartique évoqué au début de ce papier. Avec une telle dose de pessimisme et une telle lourdeur, cette œuvre représente merveilleusement bien ce contexte d’angoisse et d’incertitude latente.
A Dawn to Fear prend le parti de proposer une musique lancinante, s’accordant le droit de s’étendre sur la longueur, afin de poser son ambiance. Cette pièce de presque 80 minutes nous place dans un monde d’une froideur terrible, extrêmement sombre et plombant. Comme si un obscur dôme venait tacitement couvrir les rayons du soleil, nous laissant non pas vivre, mais bien tenter de survivre dans le plus noir des assombrissements. Subissant coûte-que-coûte cette fameuse pénombre qu’il faut irrémédiablement craindre.
Cependant, malgré l’évidente noirceur de ce septième travail discographique, Cult of Luna permet à de légers rayons lumineux de pénétrer au sein de son œuvre. La piste “Lights on the Hill”, longue de 15 minutes, constituant alors le morceau le plus élancé du disque est cette permission. Telle une lueur d’espoir presque aussitôt refermée par la pénombre persistante. Elle démontre une tendance prenant place au sein de cet album : la crainte et le désespoir prennent le pas sur le reste.
Qu’on se le dise de suite, A Dawn to Fear est loin d’être une œuvre facile à comprendre et à digérer. Les huit pistes qui la compose demeurent très sombres, pouvant aisément amener la plus enthousiaste des personnes sous terre, tant elles sont lourdes et marquées la mélancolie manifestement présente. Cette même noirceur est également véhiculée par les noms de ses morceaux. “Lay Your Head to Rest”, “We Feel The End” ou encore “The Fall”, toute cette ambiance posée par les suédois transparaît même par les patronymes de ses différentes parties.
Cette véritable ode à la souffrance et aux ténèbres ne s’arme pas d’énormément de complexité technique, ici c’est l’atmosphère qui prime. Sa fondation demeure être les plans de batterie Thomas Hedlund, véritable massue aux roulements de toms percussifs et au jeu de grosse caisse terriblement efficace. La présence de trois guitares vient apporter énormément de lourdeur en accompagnant le jeu de basse très droit d’Andreas Johansson. De plus, la tessiture vocale de Johannes Persson marque à l’encre noire ce disque, tant elle est profonde et viscérale. Oscillant entre chant hurlé et incantation à la limite du chamanique. Cependant, A Dawn to Fear ne demeure pas monolithique ni redondant. Cette pièce s’avère être extrêmement riche et variée, notamment grâce aux nappes de claviers jouées par Kristian Karlsson, offrant énormément de nuance à l’ensemble.
De plus, l’esthétique très froide et crépusculaire de ce disque se dessine aussi à travers son univers graphique. Très minimaliste et épuré, cet artwork réalisé par Erik Olofsson à la peinture décrit parfaitement la texture sonore imposée par Cult of Luna. Le sextet suédois nous offre avec ce septième album un univers sombre, plombant mais aussi d’une grande richesse et intimiste qu’il est très difficile de pénétrer. Paradoxalement, cette douleur est retranscrite avec une telle maîtrise qu’elle en devient belle, contemplative et aussitôt comprise demeure addictive et passionnante.
A travers A Dawn to Fear, jamais le désespoir et le malheur n’auront semblés aussi admirables et hypnotisant, à la limite du sublime… La formation d’Umeå nous offre ici une œuvre merveilleuse, parfaite en tous points, juste, constante et d’une beauté imparable. Seulement, cet album n’est pas, malgré la sentiment de plénitude total, encore véritablement complet. Il viendra être comblé par le groupe, moins de deux ans plus tard..