Douze années se sont écoulées depuis la sortie de Sound Awake, l’album qui a propulsé Karnivool au-delà des frontières du plus petit continent du monde.
Douze ans. Il reste difficile d’y croire, tant il semble être sorti hier. Production, composition, arrangement, difficile d’imaginer cet opus vieillir un jour. Succès total, cet album fut couvert d’éloges dès sa sortie, aujourd’hui j’y ajoute les miennes.
Formé en 1997 à Perth, quatrième plus grande ville d’Australie, Karnivool fait ses débuts en tant que groupe de reprises avant de s’essayer à la composition via l’EP sobrement intitulé Karnivool (1999) aux allures de Korn ou encore Pearl Jam, au son peu soigné, pas vraiment adoubé (et même plutôt ignoré) par le public local. Seuls Ian Kenny (chant) et Andrew Goddard (composition et guitare) déjà présents à l’époque font toujours partie de la formation actuelle. Un second EP voit le jour en 2001, du nom de Persona, toujours perdu au milieu d’un neo metal qui domine toutes les ventes rock/metal de l’époque. Contrairement au premier EP, cette sortie semble attirer quelques regards puisqu’elle leur permettra d’ouvrir la scène pour Fear Factory fin 2001 lors de leur tournée australienne.
C’est quatre ans plus tard que sortira Themata, enregistré par la formation telle qu’on la connaît aujourd’hui, Kenny et Goddard étant désormais entourés de Mark Hosking (guitare), Jon Stockman (basse) et Steve Judd (batterie). Ces changements semblent influer la direction artistique du groupe, qui met un pied dans la musique progressive et nous rapproche de l’album dont nous parlons aujourd’hui. Cette sortie sera un premier succès critique et MGM Distribution se chargera de l’exporter au Royaume-Uni ainsi qu’aux Etats-Unis, ce qui sera suivi par une première tournée américaine.
Au retour de ce parcours, le quintet entre en studio et nous promet dès 2008 qu’un nouveau cap sera franchi. En 2009 sort Sound Awake, album d’une durée peu habituelle (environ 1h15) pour un groupe de cette scène encore méconnu du grand public.
Malgré cette étendue globale laissant présager de longues plages atmosphériques, les australiens semblent vouloir nous attraper dès les premières secondes de « Simple Boy ».
Le thème principal est exposé et immédiatement, on réalise le travail colossal réalisé sur les ambiances sonores qui entoureront l’intégralité de cet opus.
Instruments physiques retravaillés, machines virtuelles et sons directement empruntés aux musiques électroniques, tout y passe.
Le son gigantesque du duo basse/batterie et la justesse de l’espace occupé par les guitares nous giflent directement avec cette réalité : Il sera difficile de trouver une concurrence à la production de ce disque au sein de cette scène, encore plus en 2009, tant elle semble en avance sur son temps dès ces premières mesures.
Considéré encore aujourd’hui comme une référence du style par les ingénieurs du son, il ne peut pas en être autrement pour les instrumentistes tant chaque instrument est minutieusement écrit pour coïncider avec l’ensemble de la musique. L’utilisation des guitares en tant qu’outil d’accompagnement, en retrait plutôt qu’en tant que protagoniste
primordial, dénote avec ce qu’on a eu l’habitude de rencontrer dans la musique moderne progressive jusqu’alors. « All I Know » en est le parfait exemple, tant les guitares se font discrètes. Quelques notes totalement sous-mixées et habillées de delay accompagnent ce morceau pop (sorti en tant que single) sans ne jamais occuper de rôle central.
Si Mark Hosking et Andrew Goddard remplissent davantage un rôle de soutien et ne disposent de presque aucune partie solo, Steve Judd possède suffisamment d’occasions de nous montrer qu’il maîtrise ses polyrythmies, à tel point que la compréhension de son jeu sur l’outro de « The Caudal Lure » reste un mystère même après plusieurs écoutes.
Le chant de Ian Kenny est d’une clarté assez incroyable sur l’intégralité des douze titres. « New Day », « Illumine », « Roquefort » ou « Umbra » sortent clairement du lot sur le plan vocal, autant sur la qualité des mélodies que sur leur interprétation. Mention spéciale au refrain d’ « Umbra » qui brille par sa pertinence et dont on pourrait presque regretter qu’il s’arrête si rapidement.
Bien qu’étant amateur des morceaux qui s’étalent sur la durée, on peut cependant regretter que les deux morceaux les plus vastes et complets (« Deadman » et « Change » qui durent respectivement 12:04 et 10:47) aient été collés l’un après l’autre en toute fin d’album. Même s’il y a probablement une forme de logique à cela, le résultat de cet enchaînement de vingt-trois minutes est assez peu digeste.
Alors même que l’on compare (trop?) souvent Karnivool à Tool, on sort cependant de ce disque avec une impression bien différente à celle que procure une écoute de 10 000 Days, sorti trois ans plus tôt.
Le dernier morceau intitulé « Roquefort », (version rééditée du même titre initialement paru sur Themata, pour lequel la collaboration déjà prévue avec Empire Horns avait été impossible à l’époque pour des raisons d’organisation) et son déluge de trompettes hors de contrôle serait assez difficilement concevable sur un disque des californiens.
Une musique bien moins directe, beaucoup plus lumineuse et aux ambiances bien plus vastes se dégage de la galette sortie par le quintet Australien, qui a rencontré un succès retentissant, de sa sortie jusqu’à aujourd’hui.
Album aujourd’hui considéré comme un classique incontournable de la scène progressive moderne, il aura été le tremplin dont Karnivool avait besoin pour faire honneur à la promesse qui résidait dans Themata. Un nouveau jour s’est levé pour les cinq musiciens de Perth, qui s’apprêtent (normalement) à fêter les 10 ans de cette sortie sur scène. S’il reste des places, sachez qu’ils doivent passer à Paris en septembre, et on ne peut que vivement vous conseiller de ne pas rater cette occasion, tant elle se présente rarement en France. Histoire de prouver à vos petites oreilles que leur réputation n’est pas qu’un feu de paille.