On continue notre série d’article consacrée à nos albums préférés de la décennie qui vient de s’écouler. On se rapproche de plus en plus du présent avec 2017 comme sujet principal.
L’album de Matt Rouq : Being As An Ocean – Waiting For Morning To Come
Il y en a eu, de la qualité, en 2017. Une bonne dizaine de galettes qui méritent une écoute attentive. Pour autant, mon lauréat de cette semaine n’a jamais fait le moindre doute dans mon esprit, tant il a surclassé tout le reste. Mesdames et messieurs, Being as an Ocean, avec Waiting For Morning to Come.
Avant de s’y pencher plus intensément, petit coucou à Hollywood Undead, Motionless in White ou encore Falling in Reverse. Les trois auraient fait des albums de l’année plus que correct, si Joel Quartuccio et ses camarades n’avaient pas offert une gifle comme rarement j’en ai reçu. Et puis, pêle-mêle, on peut citer One OK Rock, Palisades, Starset, Mastodon, Papa Roach ou encore All Time Low, qui ont tous proposé des disques solides.
Oui mais voilà, Waiting For Morning To Come est une perle comme on en voit rarement. L’album qui marque la transition entre le Being As An Ocean des débuts et le groupe qu’il est aujourd’hui, suite à PROXY. Un album qui contient 14 pistes, mais où chaque titre est entrecoupé d’un petit interlude instrumental, aérien. Un pari artistique réussi, puisqu’il nous immerge totalement dans l’atmosphère de la galette, et ce pendant 50 minutes.
Car ce qui sépare Waiting for Morning To Come de ses prédécesseurs, c’est bien l’ambiance qu’il parvient à instaurer. On se sent au plus près du groupe, on les accompagne dans une promenade onirique, au coeur de la nuit, en attendant l’aube. Et même si le quartet propose plus de passages électroniques, et délaisse parfois les guitares et le chant crié, on retrouve encore des ingrédients de la recette qui a fait le succès de Being As An Ocean. « Dissolve », « Glow » ou encore « OK » sont des exemples. « Thorns » et ses cloches apportent une atmosphère plus lourde. « Black and Blue », qui ouvre l’album, est une introduction plus légère. Et puis, pour aller dans l’expérimental jusqu’au bout, je me dois de mentionner « eB tahT srewoP ehT », un titre… à l’envers, au coeur de la galette. Et qui se fond parfaitement dans la masse.
À l’heure d’écrire ces quelques lignes, Waiting For Morning To Come est pour moi le sommet de la carrière de Being As An Ocean. Leur meilleure livraison, la plus complète, la plus aboutie. La qualité d’écriture, que ce soit au niveau lyrique ou instrumental, est à son paroxysme, et fait de cette galette non seulement la meilleure de 2017, mais aussi un candidat très sérieux à l’album de la décennie.
L’album de Drey Talquor : Elder – Reflections Of A Floating World
Bon allez, ca fait 7 articles qu’on parle de nos albums de l’année, et pas encore une fois n’ai-je mentionné le nom d’un des artistes, si ce n’est celui qui m’inspire le plus. Et qui pourtant a pondu 3 albums magnifiques durant cette décennie. 3 merveilles de stoner prog à tendance psychédélique qui viennent consacrer Elder comme le meilleur groupe de stoner actuel.
Il est donc désormais temps de rendre justice à nos Bostonnais. En 2011 est sorti Dead Roots Stirring, un chef d’oeuvre de stoner psyché avec des influences doom. C’est l’album qui a eu le mérite de me faire découvrir le groupe. Ils sont revenus 4 ans après avec Lore, que beaucoup considèrent comme leur chef d’oeuvre. Il est vrai que cet album est une machine à riffs divinement efficace et qui font pâlir les plus grands noms de la scène. Rien que la chanson éponyme de l’album, c’est un enchaînement de 15 minutes de passages tous plus bons les uns que les autres. Mais pour moi, le disque qui concrétise le génie artistique du quatuor, c’est leur album sorti en cette déjà très fournie année 2017. A côté des autres mastodontes que sont The Assassination Of Julius Caesar d’Ulver, Rust de Monolord, Mass VI d’Amenra ou How Did We Get So Dark? de Royal Blood, c’est Reflections Of A Floating World qui emporte la palme du meilleur album de 2017.
Et quel album mes aïeux ! L’alchimie propre aux musiciens atteint ici une symbiose rarement vu dans l’histoire de la musique. Chaque instrument est utilisé ici dans un dialogue parfait. Dès l’ouverture sur « Sanctuary », on comprends que l’expérience digérée durant ces 12 années de carrière vont servir pour nous présenter un disque de stoner progressif des plus réussis. Chaque chanson est longue, mais à l’intérieur s’enchaîne en harmonie envolées lyriques, riffs pointus et harmoniques plus calmes. Chaque piste est d’une qualité phénoménale. « The Falling Veil » et son introduction au clavier, avec un lietmotiv de riffs d’une efficacité redoutable, suivit par « Staving Off Truth » suivant la même construction. Ma préféré de l’album reste cependant « Blind », piste la plus longue de la galette, mais qui continue à nous démontré l’alchimie qui découle de l’utilisation savante de chaque instrument. Où chacun est utilisé à bon escient, et surtout sublimé avec la couche de claviers et la voix de Nick DiSalvo, où l’on sent sa progression au chant d’album en albums.
Suis-je peut être un peu trop dithyrambique quand on vient à parler d’Elder ? En toute honnêtée je pense que oui. Je n’arrive pas à être objectif sur ce groupe qui m’a fait plonger dans les meilleurs moments de musiques que j’ai pu connaitre. La décoction que représente la discographie d’Elder est pour moi parfaite. Encore plus sur Reflections Of A Floating World, chaque effet, chaque riff, chaque note est sagement utilisé pour nous délivrer, bien plus qu’un excellent album de stoner, un chef d’oeuvre de la musique.
L’album de Play To Die : King Gizzard & The Lizard Wizard – Flying Microtonal Banana
2017 ne fut pas une année exceptionnelle. Mais au milieu des quelques sorties qui me plaisaient (Voyager, The Midnight, Mastodon, Elder), un groupe septet australien lâchait cinq albums en 10 mois. Cinq albums, cinq genres différents, même si on retrouvait le rock en chacun d’eux. Je ne les ai découvert que l’année suivante, et quelle trouvaille ! Que ce soit la déferlante quasi metal de la partie « The Tale of the Altered Beast » de Murder Of The Universe, le calme jazz-rock « Tezeta » de Sketches Of Brunswick East (avec The Mild High Club), le rock psyché de Gumboot Soup ou encore le final dantesque du progressif « The Fouth Colour » de Polygondwanaland, le groupe nous a donné cinq albums de qualité sure en très peu de temps.
Et si je n’ai pas encore cité le cinquième (mais sortie en premier chronologiquement), c’est parce que c’est celui qui m’a le plus foutu au sol. Flying Microtonal Banana s’est très rapidement imposé comme un de mes albums préférés tout genres confondus. Il se classe comme rock psychédélique, progressif, avec une forte influence orientale / turque . Et cette influence se remarque grâce à l’utilisation de microtons sur chaque morceaux. Usage rendu possible grâce à la guitare ci-dessous, qui donne son nom à ce fabuleux disque.
Pendant 42 minutes, King Gizzard va utiliser à très bon escient ces microtons, qui font sonner les notes un peu faux pour nos oreilles. Cela donne aux morceaux un air d’ailleurs. Et associé au psychédélisme des australiens, on obtient neuf titres qui vous envoient au moyen-orient. Les trois premiers morceaux, « Rattlesnake », « Melting » et « Open Water » sont répétitifs et vous envoûtent, comme un serpent que l’on ferait danser. « Rattlesnake » avec son riff ultra accrocheur est le titre phare de l’album, alliant énergie folle, rythme rapide et paroles à chanter en concert avec tout le public. « Billabong Valley » est un western oriental dansant, avec notamment Kenny Ambrose-Smith au chant et un harmonica évocateur. « Doom City » comme son nom le dit utilise un riff ultra lourd propre à vous décrocher la nuque.
Mais le chef d’oeuvre de Flying Microtonal Banana est le duo « Nuclear Fusion » / « Flying Microtonal Banana ». Les autres morceaux sont excellents, mais on passe ici à un autre niveau. Premièrement, « Nuclear Fusion » : la subtilité des microtons, le riff du couplet, le refrain, les paroles à double sens, les rimes, la communion des instruments (‘We’re essentially one being’), tout y est. Le groupe pousse le détail jusqu’à alterner les coups sur les cymbales entre les deux oreilles. Ce morceau incarne ce qu’il décrit parfaitement. Et la fin en apothéose (‘All that I ever see is nuclear fusion’ / ‘All that I ever hear is nuclear fusion’) me fout les frissons à chaque fois. « Nuclear Fusion » s’enchaîne avec le final éponyme de l’album, qui est deux minutes instrumentales de haute voltige. La zurna, instrument d’origine eurasienne, placé de ça et là sur l’album, se trouve ici en première ligne pour nous envoyer une mélodie tellement psychédélique qu’on croirait entendre un charmeur de serpent. A partir du moment où la zurna joue, le décollage est immédiat, pour ne jamais redescendre jusqu’à la conclusion de l’album.
En quête de dépaysement ? De rock psychédélique ? King Gizzard & The Lizard Wizard vous offre là 42 minutes de voyage en contrée inconnue. Flying Microtonal Banana est une expérience inégalée dans le rock moderne et il serait franchement dommage de passer à côté.
L’album de Tolol : Mastodon – Emperor Of Sand
Si vous espériez passer à coté de Mastodon dans cette remontée temporelle, c’est raté. Il était évident que le quatuor d’Atlanta allait s’imisser dans mon top. Néanmoins, il faut quand même reconnaître que les adversaires étaient de qualité.
Rust de Monolord ou bien After Laughter de Paramore se disputaient le titre tant convoité d’album de 2017. Mais à la fin, Mastodon l’emporte et avec une aisance remarquable. Il faut dire que sur le papier, tout était réuni pour avoir un très grand album.
Thématique autour de la mort, envies de prog et retour de Brendan O’Brien aux manettes. Il n’en fallait pas plus pour que le spectre de Crack The Skye surgisse au-dessus d’Emperor Of Sand.
Mastodon s’est-il contenté de faire une pâle copie ? Absolument pas. Comme à leur habitude, ils avancent à travers les genres, les styles. Ils mixent des riffs lourds avec des passages accessibles. Brann Dailor devient le chanteur principal et sa voix cristalline surnage dans le lot. Mais Troy Sanders n’est pas en reste que ça soit au micro ou bien avec son intrument de prédilection : la basse.
Est-il utile de vous décrire l’album ? Non, je préfère vous renvoyer vers ma chronique publiée le 24 mars 2017, soit 8 ans jour pour jour après la sortie de Crack The Skye. Les coïncidences ont la vie dure. Sachez que c’est un vrai chef d’oeuvre dont je n’arrive pas à me lasser. J’attends impatiemment son successeur, car je sais qu’il ne ressemblera en rien à ce que Mastodon a déjà publié. J’espère ne pas être déçu. Je vous laisse avec un des plus beaux morceaux de la discographie du groupe et son « Throne Of Mayonnaise ». Une hallucination auditive qui ne vous quittera plus une fois entendue. (Merci Clément).
L’album de Maxallica : Incendiary – Thousand Mile Stare
Depuis le temps que j’attends de vous parler d’Incendiary sur Granny Smith, promis je vous prépare un épisode spécial de Vendredi Warzone pour la cinquantième.
Début 2017 je me prépare une playlist en prévision du Groezrock en Belgique ainsi j’y glisse le titre « The Power Process » d’un groupe américain de hardcore qui s’appelle Incendiary. Le coup de foudre est instantané pour l’album Cost Of Living ayant vu le jour en 2013. Quelques semaines après ma découverte le combo annonce que son troisième album sortira quelques jours après le Groezrock alors mon intérêt est à son maximum. Je me prends une mandale astronomique sur scène et Thousand Mile Stare restera scotché à mon Spotify pour toute l’année 2017. Depuis je me suis déplacé deux fois en Angleterre pour voir ce groupe car ils tournent très peu mais mon amour est inconditionnel.
En vingt-huit minutes et dix titres, Incendiary nous balance l’album ultime du hardcore en pleine poire. Dès premières secondes de « Still Burning » aux dernières notes de « Poison », cet opus est parfait de bout en bout. Entre les riffs monstrueux du duo Rob Nobile – Brian Audley – je pense notamment à ceux de « Still Burning », « Sell Your Cause » ou « Hanging From The Family Tree », la rythmique tranchante de Matt McNally (basse) et Dan Lomeli (batterie) et bien sûr le « chant » du frontman Brendan Garrone, tout est présent pour vous faire aimer le hardcore. On y retrouve des breakdowns, une balance entre punk et hardcore et des textes plein de vérités. Être un groupe qui marche mais avoir un travail au quotidien permet de garder les pieds sur terre et donc d’être juste dans les mots.
Je ne peux pas vous vendre mieux l’album que cela pour être honnête, prenez trente minutes de votre journée et plongez-vous dans ce chef d’oeuvre qui ne mérite que d’être découvert. Long Live Incendiary.