Il s’est glissé depuis le début 2020 dans les sorties 2019 que je préfère. Il pourrait aisément se classer dans mon top 5 de l’année dernière. Pourtant le split Live At Electrical Audio ne contient que deux morceaux et ne dure que 21 minutes et 25 secondes. Alors dire que ce gros quart d’heure de doom psychédélique m’a marqué est un euphémisme. Pour son premier anniversaire, et à l’aube de la sortie du troisième album de Rezn, revenons sur cette pépite.
Les deux groupes présents sur cet EP, Lume et Rezn, gravitent autour de la scène stoner de Chicago. Le premier empreinte à la scène alternative tandis que le second va piocher du côté doom/psyché du genre. Les deux formations sont assez récentes, Lume ayant débuté en 2014 et Rezn en 2016.
Le duo nous présente ici une collaboration pleine : à l’inverse de ce qui se fait d’habitude, les groupes n’ont pas composé chacun un morceau pour le poser sur ce split. Au contraire “HI” et “LO” ont été composés et enregistrés en même temps : les sept musiciens – Rezn est un quatuor, Lume un trio – jouent tous sur les deux morceaux. On entend les deux chanteurs, les deux basses sont audibles de façon distincte, mais les deux “pattes” des groupes se rejoignent.
L’album a été enregistré en studio, mais en condition de live. Ici pas d’instruments trackés un à un puis mixés ensemble, tout a été enregistré en même temps. Autre particularité, l’édition digitale et l’édition physique (uniquement sur vinyle) ont un mixage différent. Le LP a été directement enregistré sur bande magnétique puis mixé de manière 100% analogue par Brok Mende, alors que la version digitale a été ensuite mastérisée par Matt Russell. Ce qui offre un rendu différent selon la version que vous écoutez, chose assez curieuse et intrigante à explorer.
Au-delà de l’aspect technique, les deux groupes originaires de l’Illinois ont composé deux morceaux aux atmosphères mémorables. L’EP rassemble le côté doom de Rezn, “HI” et “LO” étant toutes les deux très lentes, ainsi que le côté plus lumineux de Lume, notamment sur la première piste où leur influence se ressent. Rezn marquera plus la face B avec un aspect plus obscur, aidé par une atmosphère lancinante créée par un arpège entêtant à la guitare. Le septet d’un jour propose des chansons envoûtantes ou l’ambiance vous transporte dans des voyages au goût de THC. La lenteur permet de s’imprégner des émanations des instruments tandis que les guitares vous font profiter des paysages de chanvres que vous explorez.
Au milieu des nappes de synthés et d’effets de guitares, la vraie force de cet EP est les moments de flottement suivant les passages les plus lourds. En plus d’être de parfaits instants de plénitude et de lâcher-prise, ces sections laissent le temps de construire une montée, une légère tension menant à des climax réellement libérateurs. On va-et-vient avec notre corps, détendu, mais avec de plus en plus d’ampleur, avant que l’apogée des morceaux ne nous attrape par la nuque. « HI » l’aborde par un angle plutôt positif, où les instruments ne vont pas jusqu’à se déchaîner, mais sont démonstratifs, comme débarrassés du poids que l’on pouvait sentir auparavant. « LO » le fait avec une face un peu plus négative où le son est brut, la rythmique écrasante, la lourdeur étouffante.
Cette collaboration éphémère accouche d’un EP aussi court qu’il est appréciable On en ressort apaisé, détendu, en un mot : reposé. Ses vingt minutes sont passées sans que l’on s’en aperçoive, les nappes psychédéliques nous captivant et le refrain nous envoyant de la dopamine en continu. Les deux groupes de l’Illinois ont distillé une eau de vie savoureuse et désinhibante que la rédaction de Granny Smith vous recommande toujours, un an après l’avoir goûtée pour la première fois.