Véritable spécialiste de la noirceur en musique, Katatonia s’illustre depuis maintenant plus de vingt ans par sa capacité à faire coexister un chant quasi angélique avec une musique brute et sans concession. Les 15 ans récemment fêtés de The Great Cold Distance nous amènent à nous repencher sur ce qui a été l’album de la confirmation pour la formation suédoise, aujourd’hui actrice majoritaire du mouvement progressif en Europe.
Comme bon nombre de formations originaires de Suède, Katatonia a vu le jour dans un contexte 90’s très propice au metal extrême. Si le groupe formé à Stockholm s’y est essayé entre 1991 (année de formation du groupe) et 1995, Katatonia s’est assez rapidement éloigné de ces sentiers déjà battus par ses prédécesseurs et s’est alors orienté vers un chemin encore peu arpenté par les groupes de metal scandinave à l’époque.
Un choix qui fut payant, au regard de la carrière qui s’étendait à leurs pieds. 26 ans plus tard, dix albums studio ainsi que trois EP ont vu le jour et le groupe apparaît comme une tête d’affiche incontournable du genre metal progressif. Considéré comme l’un des fers de lance de la scène metal suédoise (qui comprend aujourd’hui quelques noms tels que Meshuggah ou Opeth, rien que ça), le groupe mené par Jonas Renkse, voix emblématique du groupe, peut se targuer d’avoir sorti quelques monuments du style. C’est notamment le cas du 7e album du groupe, The Great Cold Distance, qui fêtait ses 15 ans le 13 Mars dernier.
Cet album a été présenté et introduit un mois avant sa sortie par le biais du single « My Twin » qui est le titre dont nous parlons aujourd’hui dans ce Music Monday. Cette décision paraît évidente lorsqu’on se penche à nouveau sur ce morceau, car il illustre parfaitement cette grande et froide distance évoquée dans le titre de l’album. Un gouffre semble scinder la voix imperturbable et délicate de Renkse du reste de la production, qui s’illustre davantage par une dureté et une froideur implacables animées par Anders Nyström (guitare), Fredrik et Mattias Norrman (guitare et basse) ainsi que Daniel Lijekvist (batterie).
Ces sentiments d’éloignement et de climat glaçant s’expriment également à travers le texte du single, qui traite de trahison et plus précisément d’infidélité menant à la rupture. On peut d’ailleurs imaginer que le ton employé et la scission entre la violence des guitares et la douceur de la voix sont une manière de faire cohabiter la haine et la mélancolie qui traversent le narrateur à travers cette épreuve.
Ce titre reste à ce jour le plus populaire et le plus écouté en streaming de toute la discographie de Katatonia, témoignant de l’impact retentissant qu’il a eu sur le public des suédois, ancien ou novice, de sa sortie en 2006 jusqu’à 2021 soit quinze ans plus tard. Au-delà de ces simples chiffres, on peut estimer que certains acteurs de la scène progressive moderne tels que leurs voisins suédo-danois VOLA (dont on a récemment parlé dans le Music Monday #115 et dont le dernier album en date se nomme… Applause of a Distant Crowd) sont des descendants plus ou moins directs de Katatonia, s’inspirant aujourd’hui des ambiances et couleurs qui se dégageaient déjà de The Great Cold Distance.
Depuis cette sortie et la reconversion d’Opeth à une musique moins extrême qu’à ses propres débuts, ces deux géants de la musique suédoise marchent cette fois avec peu de distance (car ils ont collaboré lors de leurs débuts respectifs et sont encore aujourd’hui très élogieux l’un envers l’autre) mais non sans froideur sur le metal progressif et siègent ensemble tout en haut des affiches de festivals à travers le monde.