À une heure où l’on profite bien moins du printemps que les années précédentes, certaines choses restent inchangées. Plusieurs albums semblent se montrer d’eux-mêmes davantage dans votre collection lorsque les rayons du soleil se font plus réguliers. C’est le cas pour le disque dont nous parlons aujourd’hui, qui fêtait ses dix ans le 3 mai dernier. Enfilez votre plus beau BMX et partez rider dans votre décharge publique municipale car aujourd’hui nous célébrons «Shed», de Title Fight.
« We’re Title Fight, from Kingston, Pennsylvania », c’est ainsi que se présente la formation américaine à chaque concert, de manière quasi mimétique à celle de Lemmy Kilmister « We’re Mötörhead and we play Rock’N’Roll ». Le quatuor formé en 2003 aura attendu Mai 2011 pour sortir son premier album, bien que n’ayant pas été complètement improductif entre 2003 et 2011 car sur cette période auront vu le jour trois EPs, une sortie live et une compilation comportant trois titres inédits.
Ce premier album se sera fait attendre mais n’aura pas été bâclé. Un bijou de punk hardcore mélodique s’en dégage et marque un réel point de départ dans l’histoire de Title Fight, qui sera très rapidement enrichie par la sortie de Floral Green (Septembre 2012) puis dans un rythme plus habituel, par le dévoilement d’Hyperview (Février 2015). Floral Green servira de transition entre le Punk Hardcore aux teintes parfois pop-punk de Shed et dirigera le groupe vers un style plus coloré avec la sortie d’Hyperview, incorporant des éléments de Shoegaze, Post-Punk et de Cold Wave. Le groupe est depuis 2018 en suspension d’activité, pour qu’une partie des musiciens puisse reprendre ses études.
Revenons au morceau dont nous parlons aujourd’hui : d’après Ned Russin, fondateur, bassiste et l’un des deux chanteurs principaux du groupe, le titre « Shed » (qui aura donné son nom à l’album) a été pensé comme un cri de dégoût aux « poseurs » qui vont de scène en scène uniquement pour suivre les diverses modes et pas par amour des genres (il vise ici plus particulièrement le milieu punk hardcore). Une longue métaphore traverse d’ailleurs les paroles. On y retrouve plusieurs allusions aux espèces animales qui perdent leur peau, comme les serpents (« You’re cold like the blood that runs through your veins » qui ouvre le morceau, par exemple) ou les insectes qui passent par l’état larvaire avant d’atteindre leur forme finale (« Shed your skin, change your face »).
La production est de très bonne facture, pas de superflu, pas de volonté de salir volontairement le son ou de frôler la caricature, simplement un mix efficace, frontal et vivant.
On y retrouve les fondamentaux du Punk : entre la batterie qui semble souffrir sous les coups de Ben Russin (qui a d’ailleurs partagé plusieurs photos souvenir à l’occasion de l’anniversaire de Shed sur son compte twitter), les guitares de Jamie Rhoden et Shane Moran oscillant entre powerchords palm-mutés et habillages teintés de chorus dans les aigus, la basse aux lignes simples jouées au médiator et le chant hurlé de Ned Russin, tout y est. Cet opus témoigne d’une durée peu surprenante pour un groupe de ce style (27 minutes et 17 secondes) mais riche par son intensité et sa dynamique.
Plusieurs thèmes traversent cet album, parfois plus personnels et graves comme dans « 27 », qui traite du décès du père de Ned Russin, qu’il décrit lui-même comme une tentation à la superstition, car 27 était le nombre fétiche de son père (« I said your name 27 times, would that bring you back to life? ») ou encore de sujets plus « légers » comme sur le titre « You Can’t Say Kingston Doesn’t Love You », qui est un hommage à la ville dans lequel le groupe est né.
Comme expliqué plus haut, le groupe est resté muet depuis 2018 et si le leader Ned Russin a depuis retrouvé son uniforme de musicien sur un projet solo qui n’a pas de grande similitude avec Title Fight, aucune indication n’a été donnée sur une potentielle reprise de leur activité. Intégrer cet album à votre playlist skatepark saura peut-être réveiller le quatuor?