Ulver est une formation aussi stylistiquement éclectique qu’imprévisible. Le quintet norvégien s’est fait initialement connaître en faisant partie intégrante de la seconde vague Black Metal prenant place en Scandinavie durant les années 90’s. Ces premiers albums appartenant au vaste monde des musiques extrêmes sont aujourd’hui considérés comme étant cultes et très importants en termes d’influence. Cependant, le groupe d’Oslo ne souhaitait pas se limiter à cela.
C’est dans cette optique que le collectif a démarré la mise en chantier d’une démarche artistique plus expérimentale et versatile, sortant peu à peu du monde du rock et metal auquel il a toujours fait partie. Au fil des années, l’émancipation d’Ulver des musiques extrêmes a amené le groupe à se placer comme une valeur sûre dans le milieu de l’art électronique et empirique. L’une de leurs consécrations, depuis cette tournure de carrière, demeure être son onzième album studio paru en 2017, via sa propre maison de disque House of Mythology : The Assassination of Julius Caesar.
Bien que toujours plus ou moins affilié comme étant destiné à un public adepte d’un art plutôt extrême, le groupe norvégien a déjà depuis un moment quitté ce monde lors de la parution de ce onzième disque. Ici la recette proposée s’avère plutôt être un fin mélange entre pop et synthwave sur fond d’un concept constituant un fil rouge présent durant tout le long de l’album. The Assassination of Julius Caesar parle d’Histoire avec un grand H, de passages de l’existence humaine qui ont eu le mérite de passionner les membres d’Ulver. Des évènements tels que la mort de Lady Diana en 1997 à Paris, mise en parallèle avec le mythe grec d’Artemis via le morceau d’ouverture “Nemoralia” ou encore la tentative d’assassinat envers le Pape Jean Paul II lors d’un jour de mai 1981 à Rome sur le titre “Transveberation”. À travers ce dernier, le quintet évoque également le phénomène de transverbération en se penchant sur l’expérience mystique vécue par sainte Thérèse d’Avila et sainte Thérèse de Lisieux, deux religieuses espagnole et française. Cette manifestation est relativement méconnue du grand public et fait partie de la tradition catholique. Elle désigne le transpercement du cœur par une puissance, une lumière ou une arme divine laissant une cicatrice sur le corps du protagoniste.
Musicalement, The Assassination of Julius Caesar dégage indéniablement un certain romantisme entouré d’une aura très prenante, participant à la forte force d’attraction que le disque dégage. Grâce à un remarquable sens de la mélodie, Ulver parvient ici à créer de véritables moments de grâce notamment sur les refrains très accrocheurs des huit pistes composant l’album. Cette euphorie harmonique se couple avec des éléments relevant plus de l’orchestration expérimentale avec notamment des percussions venant parfois entrer en parallèle avec la logique rythmique auparavant établie. Les arrangements mis en avant par la formation originaire d’Oslo montre également une certaine volonté de démarcation stylistique avec en ligne de mire l’avènement d’un univers sonore unique et représentant ce qu’est réellement devenu le groupe au fil des années. Les articulations vocales de Kristoffer Rygg participent à la création de ce macrocosme mélodieux, tant son grain et son style de chant colle parfaitement à l’œuvre du collectif et aux ambiances qui y sont développées.
A travers ce onzième opus discographique, Ulver continue son évolution artistique. Il faut dire qu’un certain chemin fut parcouru pour le groupe qui fêtera ses trente années d’existence en 2023. Plus les albums paraissent, et plus on sent la formation d’Oslo clairement s’établir comme étant un ambassadeur d’une pop très moderne et audacieusement expérimentale qui parvient à toucher un public assez large de par ses origines et son style. Ces démonstrations d’avant-gardisme s’illustrent notamment grâce à des arrangements osés comme l’utilisation du saxophone au sein de “Rolling Stone” et “Coming Home” utilisé de manière très subtile et interprété par Nik Turner et Drekka Dag. Malgré la tournure effective du collectif, les tentatives de créations sonores plus atypiques gardent une place importante comme la fin de la seconde piste du disque. Le quintette n’oublie pas ses racines avec le très rock “So Falls the World” accompagné de ses calmes et très épurées parties de piano et de batterie, résolument minoritaires au sein de The Assassination of Julius Caesar.
Ici Ulver signe une pièce d’une grande cohérence tout en continuant à divaguer entre les différents styles que la formation apprécie et décide d’explorer. Grâce à ce onzième opus discographique, la formation norvégienne signe un sans faute aux idées et à l’esthétique très fraîche ayant l’immense mérite de totalement s’émanciper de toute forme de routine artistique. En plus d’être intrinsèquement passionnant, on sent une indéniable maîtrise à travers The Assassination of Julius Caesar, le dotant d’une attraction folle, lui permettant de de créer de l’intérêt. Ce dernier dégage une surprenante éloquence et un romantisme prépondérant manifestant l’immense talent de la formation norvégienne qui saura ravir bon nombre de mélomanes.